Galerie les Filles du Calvaire
17 rue des Filles du Calvaire 75003 Paris
tel. : 33(0) 1 42 74 47 05 - fax : 33 (0)1 42 74 47 06
info@fillesducalvaire.com - http://www.fillesducalvaire.com
du mardi au samedi 11h à 18h30
Une femme de Trente ans
& Chacun de mes visages
10 novembre au 12 janvier 2002
Pour la réalisation de l'installation Une femme de trente ans, l'artiste a bénéficié de l'aide à la création de la DAP de la ville de Paris, de l'aide de la DRAC IDF (aide à la création), de la résidence des Inclassables à Montréal (AFAA, OFQJ, CALQ), d'une résidence à Braga au Portugal par le Museo da Imagen et pour la réalisation du site, du prix de l'écriture interactive du FIFI (Festival International du Film de l'Internet) et d'une résidence à l'Institut Claude-Nicolas Ledoux à la Saline Royale.
Une femme de trente ans propose une reconstitution de la vie d'une femme imaginaire qui se cristallise en une enquête policière autour de sa disparition. Au travers d'une installation, issue d'une nouvelle écrite par l'artiste, mêlant la photographie, le son et la vidéo, le spectateur est invité à entrer dans l'intimité de l'héroïne. La bande sonore nous donne à entendre ses récréations, ses douleurs, ses colères, ses fantasmes et remises en question.
Les photographies nous montrent ses différents visages emprunts de joie, de solitude ou de détresse dans une errance géographique, tandis que les témoignages vidéo sculptent une perception aléatoire de son profil social. Au spectateur de reconstruire le personnage, il peut d'ailleurs aborder cette installation à sa guise car elle comporte de nombreux points d'entrée et de sortie. Mais l'originalité de cette œuvre est renforcée par l'importance de sa trame narrative qui peut nous entraîner pendant plus d'une heure et demi, soit que l'on choisisse d'écouter de bout en bout la bande sonore et les témoignages vidéo, soit que l'on décide de structurer son parcours en sélectionnant les chapitres sonores ou en suivant la série photographique. On peut même aborder l'œuvre dans sa version internet1 qui semble avoir conquis le public internaute dès sa sortie au mois d'avril (plus de 7 000 visites en 15 jours, une présentation très remarquée à Lille lors du Festival International du Film de l'Internet, le FIFI).
Ce travail a débuté fin 1999, 150 ans après la mort de Honoré de Balzac, auteur de ´"La femme de trente ans (1842)". La complicité et la lucidité de l'écrivain sur la condition féminine au 19ème siècle a renvoyé l'artiste dans un questionnement contemporain. En effet, l'héroïne de Mireille Loup se situe trente ans après mai 68 et l'avènement du féminisme. Elle soulève ainsi les positionnements possibles d'une femme d'aujourd'hui dans une ère qu'on pourrait nommer post-féministe, son identité de fille ou de mère, la place et la réponse de l'homme dans cette époque nouvelle.
On remarquera d'ailleurs que le narrateur de l'histoire est un homme, complice de l'héroïne, tout comme Balzac se faisait le complice des pensées de Julie.
Une femme de trente ans est donc un état des lieux d'une femme, telle qu'elle est, telle qu'elle s'imagine, tels que les autres la voient. Celle-ci se remet en question sur sa place et son identité féminine mais, tandis que Julie se faisait coupable à loisir de tous ses désirs, l'héroïne de Mireille Loup apprend la déculpabilité.
Au rez-de-chaussée sera présentée telle une introduction, en regard à la multiplicité des facettes de cette femme de trente ans, la série Chacun de mes visages. Cet ensemble qui se compose aujourd'hui de 80 autoportraits - mis en scène ou non - de l'artiste, peut se percevoir comme une recherche autobiographique éclatée. Il y est question d'une recherche critique sur son identité et d'une exploration des différentes expressions stylistiques de l'art du portrait, du dispositif de la Renaissance jusqu'à la façon Studio Delcour, en passant par une mise en scène dérisoire d'elle-même qui n'est pas sans rappeler certains autoportraits de Cindy Sherman mais sans le déploiement grandiloquent d'artifices tels que le costume ou le lieu.
Le petit format, le nombre de portraits, la prise de vue très rapprochée, ainsi que la présentation en frise nous renvoient surtout à la complexité humaine voire à sa ´"comédie". Cette série ´"constitue autant l'identité qu'elle la disperse" comme le remarque Paul Ardenne 4. Cette étude autobiographique et auto-programmée qui s'élabore ad-vitam -elle se terminera à la mort de l'artiste- est profondément marquée par la trace du temps, tel un long métrage qui rendrait compte d'une vie et d'un être aux mille visages. Cette œuvre pourrait passer pour un effet de style à la vue de ses portraits glamours ou pour légère comme certains de ces portraits en naïve adolescente/
Elle pourrait être perçue comme agressive et inutilement provocatrice à l'image de certaines de ses grimaces, si elle n'était pas si déroutante et fascinante à l'instar de ses portraits où l'artiste nous livre son visage dans la simple vérité du moment vécu.
1 Site : http://femme30ans.free.fr, réalisé en collaboration avec Sébastien Lopez et Fabien Nalin
2 Le livre de Balzac est un compacté de six nouvelles s'inspirant de trois femmes différentes, mais son éditeur lui demanda de les réunir pour n'en faire qu'une seule, Julie, d'o les incohérences du récit final.
3 La femme de trente ans (1828-1842), Honoré de Balzac, La comédie Humaine, Tome V, Èd. Rencontre, Lausanne 1969, p 305
4 Paul Ardenne, in Mireille Loup, catalogue, Editions Les filles du calvaire, Paris 1998
